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De la prière au saint abandon.

   S’abandonner, c’est se renoncer, se quitter, s’aliéner, se perdre, et tout ensemble se livrer sans mesure, sans réserve, et presque sans regard, à celui qui doit posséder. S’abandonner, c’est s’écouler. Vous savez ce que dit l’épouse des Cantiques : « Mon âme s’est liquéfiée, dès que mon bien-aimé a parlé. » (Cant 5, 6) Ce qui est liquide n’a plus de forme par soi-même. La forme d’une liqueur, c’est le vase qui la contient : mettez-la dans dix vases différents, elle y prend dix formes différentes, et elle les prend dès qu’elle y est versée. Telle est l’âme qui s’abandonne : elle fond en eau sous la parole de Dieu ; non la parole qui tonne, non pas même la parole qui commande, mais la parole du simple désir et de la moindre préférence.

Ce n’est pas précisément aux choses voulues de Dieu qu’il faut s’abandonner d’abord. Ces choses peuvent être amères ; ces volontés peuvent sembler dures ; mais Dieu, notre bon Dieu, n’est ni dur ni amer : c’est en lui qu’il faut s’écouler, trépasser et se perdre ; c’est à lui, et à lui seul, qu’il s’agit de s’abandonner. Cela fait, on pourra beaucoup plus aisément rester livré à ses divers vouloirs, et à tout ce qui en sort pour nous d’extérieur et de pratique. L’enfant qui s’abandonne aux bras de sa mère, se livre par là même à tous les mouvements que sa mère trouvera bon qu’il fasse avec elle : ces mouvements, s’il les prévoyait, pourraient bien l’effrayer ; sa mère ne lui fait jamais peur.

Voyez donc Dieu tout seul, et tout le reste à travers lui. Dites-vous-le bien, c’est à Dieu même que vous avez affaire. Les yeux de la sagesse éternelle, les bras de la toute-puissance, les mains de la fidélité, le sein de l’amour, c’est à quoi très immédiatement l’abandon livre une âme. Est-ce fait pour épouvanter ?

Charles Gay (1814-1892), De la Vie et des Vertus chrétiennes, II, De l’abandon

 

« Que ta volonté soit faite ! » Cette prière peut être comprise comme une démission, ou au moins une résignation. Sur les lèvres de Jésus, elle est l’expression du plus complet amour. Toutes nos prières sont pour former celle-ci, sont pour former cet acte de foi parfait dans lequel notre volonté épouse la volonté de Dieu. Alors nous ne faisons plus qu’un avec lui, alors nos prières atteignent leur but, et nous sommes exaucés au-delà de tout ce que nous pouvions demander.

Cet abandon d’amour est abandon à quelqu’un, non pas à quelque chose. C’est pourquoi il ne diminue en rien notre sensibilité aux situations, mais là où elles se heurtaient à notre volonté propre, suscitant révolte et souffrance, elles deviennent occasion d’offrande de nous-même à celui que nous aimons.

L’âme abandonnée est en prière permanente, guettant la parole du simple désir et de la moindre préférence de son bien-aimé Jésus, ne s’inquiétant pas d’être inquiète, ne souffrant pas de souffrir, parfaitement indifférente à elle-même, en même temps que parfaitement sensible. Aussi le saint abandon est-il le dernier mot de la prière.

Gay (Charles, 1815-1892)
Figure exemplaire du retour à l’Église catholique des grandes familles bourgeoises au lendemain de la Révolution
française, Charles Gay sera évêque auxiliaire de Poitiers à côté du cardinal Pie. Très lié au renouveau de la vie consacré du XIXe siècle, ses conférences et ses lettres montrent un profond pédagogue de la vie intérieure.